Quelques raisons pour lesquelles je suis amillénariste

Introduction

Ayant dernièrement recommencé à m’intéresser à certaines vidéo YouTube qui présentent des évènements mondiaux comme étant des signes annonçant la fin des temps, j’ai décidé de profiter du cours « Survol du NT III » pour approfondir ma compréhension du livre de l’Apocalypse.

Le prémillénarisme semble être très populaire sur YouTube. En regardant ces vidéos, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de crises mondiales, de séismes, sans parler d’Israël qui semble être menacée par tous ses pays voisins. Je me suis alors demandé si j’avais eu raison de changer de position eschatologique. J’étais moi-même prémillénarisme et j’ai changé pour la position amillénariste pendant le cours « Doctrines Essentielles IV ». Ainsi donc, par ce petit travail, je vais expliquer pourquoi je suis amillénariste.

Les racines historiques chrétiennes

Une des premières raisons est l’historique du millénarisme.
Alfred Kuen explique que « l’idée d’un règne "intermédiaire" (avant l’état final) apparaît déjà dans les apocalypses juives pré-chrétiennes [1] ». Il écrit aussi « Un bon nombre des Pères des premiers siècles défendaient l’idée d’un règne millénial[2] » Or, il ajoute: « "L’interprétation (d’Ap 20) se perdit vite, d’abord sous la poussée des idées apocalyptiques juives auxquelles les premiers chrétiens avaient peine à renoncer" (Allo, DBS I col. 321) [3] ».

« Origène et Augustin rompent avec le millénarisme [4] ». « Le postmillénarisme remonte au Père de l’Église Athanase (296-372) [5] ».

« Tout au long du Moyen-Âge, le millénarisme a influencé nombre de mouvements effervescents[6] ».

Dans le protestantisme, « Calvin le liquide d’une phrase. [7] » mais « Le millénium a occupé une grande place dans le piétisme allemand (voir Egelkraut, 87, p. 55)[8] ».
Les dispensationalismes essaient de faire remonter leur doctrine au premier siècle, mais il est né au 19e siècle car aucun des auteurs du premier siècle ne l’était[9].
Il est difficile de retracer les débuts de l’amillénarisme car cela implique de combattre l’existence d’un millénium, or tout porte à croire que le millénarisme ne vient pas des Écritures mais d’anciens écrits juifs.

Une meilleure herméneutique

De plus, je crois que les amillénaristes utilisent une meilleure herméneutique.
Kim Riddlebarger explique : « There is no proper way to discuss what God will do in the future unless we have our feet firmly planted in biblical teaching about what God has done in the past [10] . (Il n’y a pas de bonne manière de discuter de ce que Dieu fera dans le futur à moins d’être ancré fermement dans les Écritures et de comprendre ce que Dieu a fait dans le passé) ».

Un des principes herméneutiques que nous utilisons est d’interpréter les passages les moins compréhensibles avec ceux qui le sont plus. Nous croyons que le passage d’Apocalypse 20.1-6 est difficile à interpréter.

Pour défendre sa position « prémillénarisme historique », Wayne Grudem écrit : « Quand on parcourt toute la Bible, diront les amillénaristes, un seul passage (Ap 20.1-6) semble parler d’un règne millénaire, terrestre et futur du Christ, et ce passage est obscur. Il est imprudent de fonder une doctrine d’une telle importance sur un passage dont l’interprétation reste incertaine.[11] » Il tente de réfuter cette affirmation en disant que nous devons recevoir toute l’Écriture même lorsqu’elle le dit une seule fois.

Pour moi, il est clair que pour Grudem, ce passage est d’une importance capitale pour défendre sa position. La preuve est que, presque toute son argumentation contre l’amillénarisme, est basée sur l’interprétation que nous faisons de ce passage. Enlevons ce passage et le prémillénarisme semble disparaître avec lui; ce qui en dit long.

Il n’est pas question de refuser une partie des Écritures mais d’utiliser une bonne herméneutique. M. Grudem aura beau dire qu’ils utilisent l’interprétation la plus simple; le problème, c’est que leur interprétation contredit des enseignements importants du NT qui sont beaucoup plus clairs.

Par exemple, Alfred Kuen résume:
« Dans le millénium prémillénariste, des saints célestes ressuscités (avec un corps glorieux semblable à celui de Jésus après sa résurrection) se trouvent mêlés à des saints terrestres non ressuscités et constituant un nouvel Israël sous le gouvernement du nouveau David pour accomplir toutes les promesses politiques de l’Ancien Testament (et mélangés à des non-convertis, qui se soulèveront contre Dieu à la fin du millénium). [12] »

Les prémillénaristes ne voient peut-être aucun problème à la présence de non-convertis sur la Terre après le retour de Jésus, mais ce n’est pas l’avis de Kim Riddlebarger.

« There simply cannot be people in unresurrected bodies on the earth after our Lord’s return, for the wheat has already been separated from the weeds (Matt. 13: 37– 43), the sheep have already been separated from the goats (Matt. 25: 31– 46), and the elect have already been gathered from the four corners of the earth by the angelic host (Matt. 24: 30– 31) [13]. (Il est tout simplement impossible qu’il y ait des personnes dans des corps non ressuscités sur la terre après le retour de notre Seigneur, car le bon grain a déjà été séparé de l’ivraie (Mat. 13.37-43), les brebis ont déjà été séparées des chèvres (Mat. 25 :31-46), et les élus ont déjà été rassemblés des quatre coins du monde). »

Les auteurs du NT nous parlent souvent de deux siècles, celui actuel et un à venir (Mat 12.32). Nous l’utilisons en tant que grille d’interprétation pour comprendre l’ensemble des passages eschatologiques. Pour les amillénaristes, le millénium est un avant-goût du siècle à venir et nous sommes dedans. Les deux se chevauchent en quelque sorte à travers le règne du Christ à travers son Église. L’Église est donc une sorte d’ambassade du siècle à venir qui chevauche le siècle présent. Les croyants ont comme deux nationalités, une nationalité dans le siècle présent et une autre, dans le siècle à venir. C’est pourquoi nous comprenons le passage d’Apocalypse 20 avec cette grille d’interprétation.

Alors, comment comprendre Apocalypse 20.1-3? Un autre principe herméneutique important est de reconnaître le type de littérature que nous interprétons. Le style apocalyptique fait beaucoup appel à des symboles. Nous devons donc nous demander si Jean voulait que ses lecteurs comprennent le passage d’une manière littérale. Nous croyons que non.

Une erreur souvent commise est de lire l’Apocalypse chronologiquement. Kim Riddlebarger fait la démonstration que les chapitres sont des récapitulations de d’autres chapitres mais vus sous des angles différents. Il cite William Hendriksen:

« “A careful study of chapter 20 will reveal that this chapter describes a period which is synchronous with that of chapter 12.” This can be clearly demonstrated by simply comparing Revelation 12: 7– 11 with Revelation 20: 1– 6[14]. (Une étude attentive du chapitre 20 nous révèlera que ce chapitre décrit une période qui est semblable à une période du chapitre 12. Ceci peut être facilement démontré en comparant Ap 20.1-6 avec Ap 12.7-11.) »

Pour moi, cela fait beaucoup plus de sens. Le moment décisif du combat contre Satan s’est accompli à la croix. C’est un point central à tout l’enseignement chrétien. C’est le moment décisif de Jésus sur Satan, sur la mort, sur les ténèbres, sur le mal, sur le péché et sur la rébellion. Jean nous donne donc plusieurs vues différentes sur ce que cela représente pour Dieu et pour les lecteurs. Par exemple, Satan, l’accusateur, a été chassé du ciel au chapitre 12, mais nous le voyons donner sa puissance à la bête du chapitre 13.

Au chapitre 20, il a été lié et ne peut plus séduire les nations pour un temps, ensuite il est libéré pour un peu de temps. Nous voyons un parallèle avec l’homme de péché qui sera dévoilé en son temps par la puissance de Satan, ce dont Paul nous parle dans 2 Th 6, 9. Nous voyons un parallèle aussi avec Ap 16.14. Il sort de la bouche du dragon des esprits de démons qui font des prodiges pour séduire les nations une dernière fois. Autrement dit, nous comprenons très bien la signification de ce passage. Jean nous parle d’une autre manière de l’Antichrist, ou l’homme de péché, qui sera permis d’être dévoilé juste avant le retour de Jésus. Une sorte de dernier acte.

Une meilleure exégèse

En ayant la grille des deux siècles référés en page 8, le passage devient limpide. Je crois aussi que les amillénaristes utilisent une meilleure exégèse. Regardons le passage Apocalypse 20.4-6. Dans le point 6, Grudem prétend que nous ne proposons aucune interprétation satisfaisante [15]. Selon lui, il est plus simple de comprendre les deux résurrections de la même manière, c’est-à-dire une résurrection corporelle. Mais pour Meredith Kline, les évidences démontrent le contraire. Jean indique un contraste entre les deux résurrections, la première étant spirituelle et la deuxième, corporelle. Lorsque Jean parle d’une première résurrection, il ne parle pas d’une première de deux résurrections de la même nature; plutôt, il veut indiquer la différence avec celle qui suit [16].

« One of the critical points in the exegesis of Revelation 20 is the interpretation of prōtos [first] in the phrase, “the first resurrection” (v. 5). Premillenarians understand it in the purely sequential sense of first in a series of items of the same kind. They interpret both “the first resurrection” and the resurrection event described in verses 12 and 13 of this chapter as bodily resurrections. The contextual usage of prōtos, however, does not support such an exegesis; it rather points compellingly to an interpretation of the “first resurrection” found in (so-called) amillennial exegesis[17]. (Le point important dans l’exégèse est le mot prōtos [premier] dans la phrase, "la première résurrection" (v.5). Les prémillénaristes comprennent ce terme dans un sens purement séquentiel dans une série d’items de la même sorte. Ils interprètent les deux "la première résurrection" et la résurrection décrite aux versets 12 et 13 de ce chapitre comme des résurrections corporelles. L’usage contextuel du mot prōtos, cependant, ne supporte pas une telle exégèse; elle pointe plutôt fortement vers une interprétation de "première résurrection" trouvée dans une exégèse (dîtes) "amillénariste"). »

Pour s’en convaincre, nous pouvons regarder comment Jean utilise le mot « premier » dans le chapitre suivant, le chapitre 21, verset 1. « Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’était plus. » Nous voyons que Jean utilise le mot premier ciel et première terre pour appuyer la différence qu’il y a entre eux.

Il ne faut pas oublier non plus tout ce que Jean a écrit sur le sujet de la résurrection. Par exemple, dans Jean 5.24 où Jésus explique « que celui qui écoute sa parole et croit celui à celui qui l’a envoyé en lui est passé de la mort à la vie. » ou, dans Jean 11.25 quand « Jésus lui dit: Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. », je n’ai donc aucune difficulté à croire que Jean puisse vouloir parler d’une résurrection spirituelle.

Une meilleure compréhension des symboles

Avec l’amillénarisme, il est inutile de craindre les nouvelles technologies comme les cartes de crédits ou les puces d’identifications. En voyant la marque de la bête spirituellement, aucune technologie ne peut être pris pour la marque de la bête. Nous n’avons pas à craindre les technologies mais plutôt craindre d’être séduit par Satan et ses esprits de démons. Nous devons adorer Jésus seul et confesser son nom et ne pas adorer la bête. Il nous le dit clairement : « Car quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans sa gloire, et dans celle du Père et des saints anges (Luc 9.26). »

Une meilleure compréhension des signes des temps

Pour les prémillénaristes, la majorité des signes donnés par Jésus sont encore à venir. Nous comprenons plutôt que beaucoup des signes étaient destinés au temps apostolique : l’abomination donnée par Daniel et la destruction de Jérusalem qui a eu lieu en 70. D’autres signes sont présents depuis le début et sont toujours d’actualité, comme les faux Christs et les faux prophètes. Alors quels signes restent-t-il à venir avant le retour de Jésus? Pour Riddlebarger, il n’y a que trois signes significatifs qui doivent précéder le retour de Christ [18] : l’évangélisation des nations, la conversion massive de juifs et la grande apostasie causée par le dévoilement de l’Antichrist, par la puissance de Satan que Jésus détruira par son avènement.

Conclusion

Voici en résumé pourquoi je suis amillénariste. Je crois avoir de bonnes raisons de demeurer amillénariste : parce que l’histoire de l’eschatologie l’appuie, que c’est tiré d’une meilleure herméneutique, exégèse et compréhension des symboles utilisés dans le livre de l’Apocalypse. Grâce à la grille d’interprétation des deux siècles, nous voyons que Jean nous parle bien des mêmes évènements mais sous différents angles de vues : la victoire décisive du Christ à la Croix et la venue d’un Antichrist qui sera détruit par le retour de notre Seigneur.

Si vous étiez toujours indécis concernant le choix d’une position eschatologique, j’espère que mon petit travail vous aura aidé à prendre cette décision. Je crois que la position amillénariste est plus solide. Je doute que je vais la changer un jour, mais je reste ouvert aux discussions car, pour moi, ce qui est important, c’est de connaître la vérité.



[1] Alfred Kuen, Le Labyrinthe du Millénium, page 17

[2] Ibid, page 18

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Ibid, page 24.

[6] Ibid, page 19.

[7] Ibid

[8] Ibid.

[9] Ibid, page 38.

[10] Kim Riddlebarger, A Case For Amillennialism: Understanding The End Times, page 28.

[11] Wayne Grudem, Théologie Systématique, page 1238.

[12] Alfred Kuen, Le Labyrinthe du Millénium, page 36.

[13] Kim Riddlebarger, A Case For Amillennialism: Understanding The End Times, page 101.

[14] Kim Riddlebarger, A Case For Amillennialism: Understanding The End Times, page 228 citant William Hendriksen, More Than Conquerors, 21

[15] Wayne Grudem, Théologie Systématique, page 1246.

[16] Kim Riddlebarger citant Kline, A Case For Amillennialism: Understanding The End Times, page 244 citant Meredith G. Kline, The First Resurrection, Westminster Theological Jouranl 37 (1975), 366

[17] Kim Riddlebarger citant Kline, A Case For Amillennialism: Understanding The End Times, page 244.

[18] Kim Riddlebarger, A Case For Amillennialism: Understanding The End Times, page 266

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